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Dans ma bibliothèque – Attention, machines, démons et extraterrestres vous manipulent !!

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Je viens d’une famille de gros bouffeurs de livres. C’est génétique chez moi… Avant d’avoir ma propre bibliothèque, patiemment constituée, je piochais allègrement dans les réserves familiales et c’est comme ça qu’un jour j’ai découvert Fredric Brown, à travers un de ses recueils de nouvelles, probablement pas le plus célèbre… Connaissez vous cet auteur ?

Le livre :
Sobrement intitulé Honeymoon in Hell c’est à dire Lune de Miel en Enfer, titre qui exploite l’antinomie des mots « lune de miel » et « enfer », avec ce genre d’humour mi pince-sans-rire mi noir omniprésent partout, ce recueil publié en 1958 et traduit en français en 1997 comporte 21 nouvelles écrites au fil des années 50 et appartenant au registre de la science fiction et du fantastique (option démons et vaudou).
Vous pouvez vous le procurer pour sa version française la plus abordable chez Folio au prix moyen de 7€ et une poignée de centimes, ou si vous voulez dépenser plus chez Denoël.

 

lune-de-miel-en-enferlune de miel en enfer
L’auteur :
Fredric Brown est né en 1906 dans l’Ohio, orphelin très jeune et décédé en 1972. C’est avant tout un auteur d’histoires policières, bien que plus connu en France pour ses textes de science fiction. Dans tous les cas, il écrit presque exclusivement des histoires courtes, voire très courtes, et passe pour le maître de la «short short-story ». Ses écrits ont été publiés pour la première fois dans des pulps et se basent sur une écriture sobre, simple et humoristique doublée d’une intrigue beaucoup plus tordue.

Mon avis :
La première nouvelle, qui donne son titre au recueil, illustre des débuts difficiles de conquête spatiale dans un contexte de guerre froide où des IA destinées à aider les hommes à sortir de leurs conflits manipulent les esprits pour provoquer l’union. L’Enfer du titre est en réalité le Cirque de l’Enfer, sur la Lune, qui n’est qu’un premier pas pour une humanité que Fredric Brown voit peu à peu prendre possession du système solaire, puis de l’univers, une évolution parfois en bute à celles d’autres êtres vivants.
Même si toutes les nouvelles de ce recueil n’ont pas la même valeur, certaines sont de véritables perles de la littérature de science fiction. Brown ne révolutionne pas le genre, et je ne pense pas que ce soit son but d’ailleurs. Les histoires sont en apparence simples et dans les faits complètement tordues, aux fins inattendues, elles peuvent concerner toute l’humanité au plus fort de sa puissance comme un simple individu au fin fond des États Unis. Le style, je l’ai déjà signalé, mais c’est incontestable, est rempli d’un humour tantôt pince-sans-rire tantôt bien sombre voire noir et se veut grinçant sans parvenir parfois à réprimer un élan poétique.
En ce qui me concerne, je n’ai pas réussi à m’ennuyer à la lecture, d’autant que le découpage des histoires dont la longueur n’est pas homogène (allant de deux pages à une trentaine) casse la monotonie, et ce même lorsque le contenu se révèle plus classique, moins drôle ou plus complexe.
Mes nouvelles favorites dans le lot, hormis la première qui est décidément excellente, sont Vaudou (l’histoire d’un divorce qui se règle à l’aide d’un brin de magie noire), Le dernier Martien (parce que je n’ai pas vu venir la fin!) et surtout Un mot de la Direction (à la fois pour le principe de base de l’histoire, la très fine psychologie de l’auteur et sa description de la hiérarchie).

Je mets un bon 18/20 à ce livre, pas plus parce que je n’ai pas forcément aimé toutes les nouvelles, même si j’en admire la composition (mais ça reste aussi une question de goût personnel).

Quelques anecdotes :
L’une des nouvelles de ce recueil, Arène (Arena en VO) a été utilisée comme base de scénario pour un épisode de Star Trek.
La seconde nouvelle intitulée Too Far est un casse tête de traducteur en raison des jeux de mots (tous en accord avec le contenu de l’histoire même) présents dans la version originale. Même le titre, en général traduit en « Faut pas pousser grand-mère » est déjà en soi une interprétation. Selon les éditeurs, vous trouverez des traductions parfois très différentes et certains remettent la version originale à la suite, comme un témoignage de l’impuissance des traducteurs.

Un extrait : (de Lune de Miel en Enfer, première nouvelle du recueil)
« […] Dès le début, il n’était question que de vous : vous étiez le seul à remplir toutes les conditions posées par votre machine cybernétique. Auriez vous oublié comment les choses s’étaient passées pour votre dernière mission ? On ne vous avait prévenu qu’une trentaine d’heures avant le départ. Trente heures, c’est le délais que l’on tient pour idéal : c’est suffisant pour une préparation psychologique, et insuffisant pour que la peur s’empare du sujet.
– Mais c’est une mission pour un volontaire ! Et si j’avais refusé ?
– La machine avait prévu que vous ne refuseriez pas. »
Carmody proféra quelques injures sordides à l’adresse de Junior.
« Certes, dit Granham. Mais nous aurions trouvé cent volontaires. Il y a des centaines de jeunes pilotes de fusées qui ont toutes vos qualifications, sauf l’expérience d’un alunissage. Il nous aurait suffi de faire circuler une photo d’Anna pour que les candidats se battent pour être de l’aventure. Cette fille, c’est un appât lunaire.
– Vous seriez gentil de ne pas oublier que vous parlez de ma femme », dit Carmody. […]

Et sinon, rendez vous la semaine prochaine !