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Dans ma bibliothèque – C’est bientôt l’hiver ça tombe bien…

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Je vous arrête tout de suite : ce n’est pas parce que j’évoque l’arrivée de l’hiver dans mon titre qu’on va aborder le sujet d’une série livres+télé désormais ultra célèbre, car ce n’est pas, je vous rappelle, le but de mes articles. Non, si j’évoque cette saison froide en approche c’est pour vous mettre dans l’ambiance de ce qui n’existe plus de nos jours même que c’est bien dommage : une veillée au coin du feu, toute une famille rassemblée dans le crépitement des bûches, la voix d’un aïeul racontant aux enfants fascinés et aux adultes pas loin derrière des histoires vraies ou imaginées tandis que la neige tombe sans un bruit… Vous y êtes ? Non ? Voici qui devrait vous y aider…

Les livres :
Voilà déjà quelques temps qu’est parue la série Louis le Galoup, une suite de cinq tomes de type fantastique qui a été écrite comme un récit oral d’ancienne veillée. Le premier tome, Le Village au bout du monde, est sorti en 2004 et le dernier Le Cœur de Tolosa en 2010. D’abord édité chez Matagot dans la collection Nouvel Angle, vous trouverez désormais les cinq tomes chez le Livre de Poche.

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L’auteur et l’illustrateur :
Eh oui, pour la première fois, je n’ai pas une, mais deux personnes à présenter ici, car les très réussies illustrations de ces romans en font partie intégrante (je ne sais d’ailleurs pas si elles sont disponibles dans les versions poches. A vérifier.)
Jean-Luc Marcastel est né en 1969 et nous vient directement d’Aurillac. Le folklore auvergnat et du Sud Ouest sont d’ailleurs partie intégrante de la plupart de ses romans, le Galoup en tête. Très productif en matière d’écriture, il a aussi terminé une autre série : la Geste d’Alban, et écrit de nombreuses autres bonnes choses : les Enfants d’Erebus, Praërie, Frankia ou plus récemment Le Simulacre, pour ne nommer que celles là.
Jean-Mathias Xavier a commencé à 18 ans une carrière en tant que dessinateur, concepteur backround, concepteur de storybord et directeur artistique dans la bande dessinée. Il travaille également pour « VIZ INTERNATIONAL DU FILM DE KAZE SA. » En 2007, il rajoute l’illustration à son arc en travaillant sur Louis le Galoup, puis d’autres titres. Il travaille également sur ​​le développement d’un jeu vidéo: Crystal Wars.

Mon avis :
Louis le Galoup, c’est une uchronie qui a basculé dans le fantastique. Imaginez qu’en l’an de grâce 999, la terre se soit fissurée au cœur de la France en une faille immense appelée la Grande Brèche, entraînant la création au sud d’un royaume indépendant baptisé Occitània. Imaginez que les émanations aux lourds relents de malédiction de cette brèche donnent naissance à des monstres en modifiant les animaux et les humains qui s’en approchent. Imaginez que des hommes, frappés du Louvoir, cet étrange pouvoir mi cadeau mi fardeau où on ne distingue plus toujours le loup de l’homme, maîtrisant leurs aptitudes, donnent naissance à une caste de combattants et dirigeants hors pair mais vivant toujours sous la menace de la bête qui se tapit en eux…. Vous y êtes ?
Dans ce contexte apparaît Louis, un jeune garçon vivant avec son frère dans un village très proche de la Brèche. Jusqu’au jour où il apprend, un peu abruptement, que Séverin n’est pas son frère, que le Chevalier de Marfon n’est pas son père et qu’il est un Galoup, dont la bête, difficile à maîtriser, le plonge dans des situations délicates. Pourchassé par Malemort, le Grand Veneur, maître des Galoups noirs au service du seigneur qui contrôle Occitània, en compagnie de Séverin et de la Roussotte, une drôle de petite sorcière qui s’accroche à lui, Louis part en quête de la vérité sur ses parents et du contrôle sur lui même, ayant à affronter des créatures plus redoutables les unes que les autres, la plus dangereuse étant son propre Galoup…
Cette histoire est un conte. Le style est oral, un livre qu’il faudrait lire à voix haute pour un auditoire qu’on est presque sûr de conquérir dès les premiers chapitres, qui plonge les plus jeunes comme les adultes dans une univers médiévalisant finalement très sombre.
Oui, cette histoire à ses défauts. Un scénario aux relents de déjà vu mêlant quête initiatique et renversement du tyran au profit d’un héritier légitime. Affaires de famille et arbres généalogiques « secrets » mais reconstituables très (trop?) facilement et rapidement au cours de la lecture. Oui mais… C’est beau. Qu’importe les sujets déjà sur traités, si le style est prenant, si l’écriture envoûte, si le récit tient debout et fleure bon les agréables moments de lecture, si les personnages, tout agaçants de naïveté qu’ils sont parfois, sont attachants, humains malgré leurs « différences » et parfois plein de bonnes surprises, même les plus secondaires d’entre eux. Et c’est bien le cas ici ! Scènes d’action et de lutte, sièges de cités troglodytes, moments d’angoisse à tenter d’échapper à des poursuivants aux sens affûtés, magie, magie, encore magie, mais aussi sensations, sentiments qui ne tombent jamais dans l’excès ou la caricature, quelques surprises parfois, le tout dans une ambiance prenante d’un univers maîtrisé par son créateur.

D’excellentes qualités renforcées par les dessins splendides de Jean-Mathias Xavier qui ornent couvertures, débuts de chapitres ou fil des pages, et qu’il a eu, on le sent, très à cœur de réussir pour montrer jusqu’à quel point il a su s’immerger dans le récit. L’hommage qu’il rend à chaque personnage, même les plus secondaires, en dessinant leurs portraits, est extrêmement touchant.
A la fin de chaque tome, un petit dossier raconte le folklore de cette région chère à Marcastel, quelques indiscrétions linguistiques, de bonnes recettes du pays aussi (miam!), le tout toujours raconté dans ce style oral qui harangue son lecteur avec tellement de force qu’on est projeté malgré soi dans ce monde.

Cette série occupe une place à part dans mon historique de lectrice acharnée, elle remporte haut la main un 18/20 très mérité (et encore, je suis dure).

Un extrait :
Tome 1 : Le village du bout du monde

« (…) « C’est pas un loup. »
Mais au milieu de ce chœur de beuglards surexcités qui braillaient à crève-gorge les uns sur les autres, son intervention passa inaperçue.
Le Père Georges, se penchant sur lui, lui demanda :
« Qu’est-ce que tu as dit, Louis ? »
Ce dernier, étonné qu’on lui demande son avis, et tiré de ses réflexions, tenta de répondre, mais sa voix fut couverte par le brouhaha.
Alors, en rupture de patience, le Père Georges se redressa. D’une voix formidable, celle qu’il réservait aux sermons d’église, il hurla :
« Mais vous allez fermer un peu vos clapets à sornettes ! Dieu va en attraper mal à la tête, d’entendre votre bêtise jusqu’au Paradis ! »
L’effet fut radical. Dieu, par ici, on ne rigolait pas avec. C’est que le Diable n’était jamais bien loin, dans le pays, et qu’on craignait bien trop l’un pour se passer de l’autre, surtout un jour comme celui là.
Et puis, le Père Georges, tout curé qu’il était et portant bure, il vous allongeait de ces torgnoles à assommer un bœuf. Même ce teigneux de Ferluc, bâti comme un taureau, en savait quelque chose.
Dans le silence revenu, le Père Georges se pencha une fois de plus sur Louis.
« Vas-y, Louis, parle. » (…) »