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Dans ma bibliothèque – Blanche Neige et la Céphalopomme

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Salut à tous, et encore désolée de vous avoir fait faux bond la semaine dernière. Pour me faire pardonner, voici un petit bijou de la littérature de Science Fiction. Quoi, encore de la SF, me direz vous ? Oh, ça va quoi, on fait ce qu’on peut hein ! Nanméoh. Le livre que je vais présenter aujourd’hui, de SF donc, est finalement assez méconnu (du moins je ne rencontre que des gens qui ne le connaissent pas, ce qui ne veut rien dire après tout), et pourtant je le trouve extrêmement bon. C’est un des livres les plus abîmés de ma bibliothèque, ce qui n’est pas sans signification… Alors mettez vos ceintures et accompagnez moi sur Uggae à la recherche de l’Arbre à Rêves.

Le livre :
L’Arbre à Rêves écrit par James Morrow a été édité en France pour la première fois en 1986. A l’heure actuelle, vous le trouverez uniquement en occasion, à priori il est épuisé, chez La Découverte ou J’ai Lu pour le format poche.
Quinjin, le narrateur, est un critique de rêves : il vit en publiant des articles souvent virulents sur les productions du dernier média à la mode, la céphalopomme, un étrange fruit psychique. Fini le cinéma, fini le spectacle scénique : le divertissement pousse sur un arbre et permet à celui qui le mange de vivre l’action sans se contenter de la regarder. C’est un rêve dont VOUS êtes le héros. Quel concept. En critique, Quinjin est le meilleur, bien que vivement mis à l’écart par la presse et l’industrie du frêve (nul n’est prophète en son pays). Jusqu’au jour où la céphalopomme, déjà menacée par des contestataires qui dénoncent sa mauvaise influence sur des consommateurs rendus fous, devient le vecteur d’une  secte, qui manipule les esprits, pour un seul but : votre seul dieu est Goth… Embauché par le créateur du média, le Dr Selig, pour détruire les arbres corrompus mis au point par son disciple et ennemi, Quinjin part dans une véritable croisade à l’aveugle avec une scientifique un peu sorcière, un accro à la céphalopomme, le robot Mimil et sa propre fille, à travers une vérité qui en cache toujours une autre.

 

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L’auteur :
James Morrow est né le 17 mars 1947 à Philadelphie. Il se décrit lui-même comme un « humaniste scientifique ». La plupart de ses livres éborgnent volontairement les religions, et les croyances en général. Il a à l’heure actuelle plus d’une dizaine de livres à son actif, et a été récompensé de plusieurs prix comme le Prix World Fantasy et le Prix Nebula.

Mon avis :
Comme je l’ai dit, j’ai beaucoup usé ce livre, c’est dans doute celui que je relis le plus souvent ; à chaque fois, j’ai l’impression de retrouver de vieux amis.
Ce qui est appréciable en premier lieu, c’est l’ambiance. Il paraît presque naturel de vivre dans un univers comme celui là, dans lequel on est immédiatement immergé sans s’embarrasser d’explications du genre « alors un jour l’homme a commencé à envahir l’espace et à coloniser les planètes etc…. ». L’histoire du comment-on-en-est-arrivés-là fait à peine l’objet de commentaires disséminés ça et là, tant on se concentre sur le récit. Et quel récit !
Placé sous le signe de Freud et de l’analyse du rêve et de sa nature, plus encore qu’une enquête, c’est une épopée pleine de rebondissements et bourrée de personnages pour certains extrêmement développés et charismatiques. La société est différente de la nôtre par nature mais ressemblante par essence : les humains restent humains et des faits culturels qui nous sont familiers existent toujours, adaptés à cet univers : tractations politiques, extrémisme religieux, conventions, sciences, recherche du confort ou des sensations fortes… Dans un espace immense colonisés par des milliards d’humains, on retrouve une culture à échelle humaine dans laquelle, finalement, nous ne sommes pas complètement dépaysés.
Mieux, on a affaire à un auteur extrêmement cultivé et inventif qui n’hésite pas à étaler ses connaissances en religions et mythologies, qu’il malmène au passage, et parsème son action de récits dans le récit, développant à l’envie le contenu des nombreuses céphalopommes absorbées par les personnages au cours de leur voyage, racontant par des résumés le contenus de dizaine d’histoires potentielles de tous genres (ce qui vous fait regretter que le média n’existe pas, tout en sachant à quel point il est dangereux).
J’aurais adoré vivre là bas, goûter aux céphalopommes, aller prendre un verre au Sanctuaire de la Nostalgie Spirituelle, jouer au billard psychique, assister à une convention frêvophile pour y croiser des buveurs de sang et visiter les paradisiaques planètes de vacances…
Je n’ai pas grand-chose à reprocher à l’histoire en elle même, que j’ai dévorée bien qu’elle soit finalement classique dans sa conception, et dont la réussite doit beaucoup, je le redis, à l’immersion dans son univers. Suivre les aventures de Quinjin et de son entourage, c’est dévoiler à chaque fois un nouvel environnement, une nouvelle planète, de nouvelles personnes qu’on prend plaisir à apprécier, admirer ou détester, un nouvel aspect d’une société familière aux multiples visages… . L’ensemble tient bon, traite de sujets sensibles allant de la religion voire secte (selon la bonne habitude de l’auteur de mettre à mal le principe de la croyance) au rôle des médias dans la diffusion d’idées pas toujours jolies jolies sans pour autant tomber dans la polémique. Peut être même est-ce une satire de la société actuelle, bien dissimulée sous tout le reste.
Mon seul regret a été la fin, de type très « happy endding » mais surtout trop vite expédiée et qui m’a laissé une sensation de manque, de pas assez…. Je suppose que c’est pour ça que je le relis tout le temps…

Parce que je suis une très grande fan, et que ce livre n’est pas un livre mais un voyage, je lui accorde exceptionnellement la note de 19/20.

Un extrait :
«(…) « Ce soir, nous offrons à Baptizer un verre au Sanctuaire de la Nostalgie Spirituelle. Il désire rencontrer mes clients en personne.
– Le Sanctuaire de la Nostalgie Spirituelle ! » La ferveur de la voix de Lilit, son chapelet d’exclamations inexprimées, étaient parfaitement compréhensibles : le Sanctuaire de la Nostalgie Spirituelle était à l’époque le restaurant le plus célèbre de la planète Zahrim.
Je lui jetais un regard glacé, les yeux mi-clos, et fermement respectueux qui ne laissait pas place à l’erreur : « Ce soir, Mimil sera ton baby-sitter. Fais ce que tu veux – paie-toi une séance de frêve, joue au billard psychique, va manger des glaces, tout ce que tu voudras – mais le Sanctuaire de la Nostalgie Spirituelle est hors de question ».
Sentant l’inutilité de mettre en œuvre ses stratagèmes les plus subtils pour une discussion perdue d’avance, Lilit se contenta de faire la grimace et dit à voix basse : « Comme tu voudras », après quoi ce fut le tour de Mimil de grommeler.
« Besoin d’un baby-sitter ? D’un majordome ? D’un chef des eunuques ? D’un porte-manteaux ? Vous n’avez qu’à m’appeler ! »
Urilla regardait d’un air songeur les cheveux de Jonnie. « Je suppose que Baptizer ne vous a pas dit grand-chose sur son achat.
– Non. A part une chose : les fruits ont été récoltés sur un arbre nommé Hamadryade.
– Un nom étrange, dis-je.
– Un nom étrange, acquiesça Jonnie.
– Ah, l’Hamadryade, dit Mimil. L’arbre mystique où vivait le Serpent ! L’arbre du bois duquel fut construit l’Arche ! Des planches de laquelle fut faite la Croix ! »
Tout le monde se tourna vers le robot d’un air légèrement irrité.
« Moi aussi je le saurais, dit Jonnie, si j’avais une encyclopédie greffée sur le cerveau ! ». (..) »