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Dans ma bibliothèque – J’aurais aimé des circonstances moins tristes, mais..

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Il y avait longtemps que je ne m’étais pas fendue d’un petit article de lecture sur le blog, et aujourd’hui est un triste jour pour le faire. Le 12 mars, rappelez vous, je rendais hommage ici même à ce grand auteur parti prématurément qu’était Terry Pratchett. Aujourd’hui, dans des circonstances similaires, j’aimerais vous parler d’un roman que j’ai aimé, écrit par un auteur fabuleux qui nous a quittés hier. Ayerdhal, que certains d’entre vous connaissent peut être, dont je présente ici un roman récent (il est sorti l’année dernière) : Bastards.

Le livre :

Choisir une œuvre à présenter parmi tous les livres que Ayerdhal a pu écrire n’a pas été très simple, parce que, de mon point de vue, tous les romans que j’ai lus de lui sont à recommander d’urgence et des deux pouces. J’ai fini par jeter mon dévolu sur Bastards, qui n’est pas un roman de S-F (le genre par lequel l’auteur a débuté), mais plutôt un thriller fantastique. Je ne dirais pas que c’est celui que j’aime le plus sur le lot, parce que ce n’est pas vrai, mais je lui ai toujours trouvé un « petit quelque chose », et il fallait bien commencer quelque part. Bastards est sorti en 2014 aux éditions du Diable Vauvert.

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L’auteur :

Ayerdhal est un auteur français né à Lyon qui est passé par la S-F, avant de se lancer dans le thriller sans vraiment délaisser l’aspect fantastique. Avec des titres comme L’Histrion (1993), Consciences virtuelles (1998), Rainbow Warriors (2013), les quatre tomes du cycle de Cybione (réédité en un volume en 2015), pour ne citer qu’une pincée de titres parmi une œuvre prolifique, c’est un pilier incontournable de la SF française, qui se revendique des influences des plus grands : Herbert, Spinrad, … Ayerdhal a reçu au cours de sa carrière plusieurs prix, notamment deux Grands Prix de l’Imaginaire, deux Ozone, un Tour Eiffel de science fiction, et surtout un prix Cyrano pour l’ensemble de son œuvre mais aussi ses engagements. Parce qu’outre l’écriture, l’homme s’engage dans des causes pour soutenir le milieu des auteurs, ou encore, par exemple, contre la loi Hadopi. Il nous a quitté le 27 octobre des suites d’un cancer. Quelque soit le titre que vous choisirez de lui, Bastard ou un autre, foncez, c’est du bon.

Mon avis :

J’ai lu Bastard par hasard. Je connaissais l’auteur par les tomes de Cybione, je n’avais pas la moindre idée de ce que pouvait donner son écriture en thriller. J’ai pris ce titre à cause des chats. Ce n’est un secret pour personne ici, j’aime les chats. Et j’aime aussi des auteurs comme Spinrad, ou encore Jerome Charyn. Qui sont, dans ce roman génial, des personnages à part entière et tout aussi géniaux…

Bastards, c’est une histoire de chats, les vrais chats en chair et en poils qui se baladent dans des quartiers de New York sous la houlette de Cat-Oldie, une vieille dame qui serait l’archétype de la « mémé à chats » si elle n’avait pas la réputation de s’être un jour débarrassée violemment de trois loubards avec un outil de jardin et son chat comme seule défense. C’est aussi une histoire de chattes (sans jeu de mots vulgaires, s’il vous plaît). Des femmes dont on ne sait plus trop si elles sont encore humaines, mais qui forment un réseau mystérieux, engagées dans une guerre séculaire et toute aussi mystérieuse. Elles donnent tour à tour des preuves de leurs talents de séduction ou d’armement lourd, tout en se comportant tout à fait de manière féline. C’est l’histoire du Chat par excellence, dans toute sa divinité, la réminiscence de Bastet / Sekhmet, la déesse égyptienne aux attributs félins, et de son combat contre le Serpent incarnation du Mal.

Et tout commence par Alexander Byrd, un auteur en crise de page blanche, qui enquête sur Cat-Oldie en espérant trouver quelque chose à écrire. De ce point de départ déjà mystérieux, conseillé tout au long de son parcours par des amis également écrivains ou artistes, il croise la route de Kayleen, sous le charme de qui il tombe rapidement, de toute la bande de femmes aux liens familiaux complexes mais toutes liées aux félins, gros ou petits, ou encore d’une petite fille, dans le métro, qui critique ses ouvrages avec la sagesse d’un lecteur aguerri. Un voyage dans un New York vu d’un autre angle, de mystère résolu en mystère épaissi, qui sème des corps ou des tentatives de meurtres ici et là, dans une ambiance malgré tout presque détendue où le danger ne vient pas de là où on l’attend forcément le plus, pour une nouvelle étape d’une guerre qui dure et qui n’a pas fini de durer.

Le tout écrit de main de maître avec un style inimitable, rythmé non pas par des chapitres, mais par des actes découpés en scènes comme une pièce de théâtre. Un livre à dévorer une première fois pour le suspens, puis à relire immédiatement après, calmement, pour le plaisir, en savourant toutes les pages les unes après les autres.

Je note ce livre 18/20, et surtout, je tiens à présenter mes hommages à un grand auteur qui nous quitte bien trop tôt.

Un extrait :

« Acte VII, scène IX

– Nous avons perdu la gamine, monsieur, mais ça bouge dans les docks. Pas d’image, vitesse évaluée entre 60 et 70 km/h, avec des bonds de huit à douze mètres de longueur, et de trois à cinq en hauteur.

– Puma adulte. Vous allez perdre beaucoup de chiens.

– Ils sont bien entraînés, monsieur.

– Elle aussi, et elle n’est sûrement pas seule.

– Elle, monsieur ?

– Un puma n’est jamais qu’un gros chat, mais je vous parie que celui-ci est une femelle. Ces puma-là chassant presque toujours en binôme, vous avez intérêt à repérer l’autre avant qu’elle ne vous tombe dessus.

– Je ne peux compter que sur mes tireurs sur les toits, mais pour cela, il faut qu’ils se découvrent.

– Les pumas ne volent pas.

– Je pensais que les snipers étaient notre dernier recours, au cas où l’ennemi réussirait à extraire malgré tout les prisonniers.

– Qu’ils se servent de leurs lunettes, pas de leurs queues de détentes ! Capitaine, l’ennemi est déjà dans la place. Il ne s’agit plus de faire le mort en attendant qu’il se laisse piéger par excès de confiance. Il s’agit de l’empêcher de s’en sortir et de limiter nos pertes. Vous comprenez ?

– Oui, monsieur.

– Bien. Alors positionnez vos tireurs pour qu’ils balaient tout le périmètre, lâchez vos chiens, et quand ce ou ces putains de pumas se seront réfugiés en hauteur, faites les abattre par vos sniper.

– Maintenant, monsieur ?

– Si ce n’est pas trop vous demander.  ( …)»