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Dans ma bibliothèque – Au temps où les machines à coudre volaient…

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Bonjour à tous ! Je me sens un peu coupable voyez vous, Ede fait ici l’éloge de mes recettes de cuisine, ce qui est très gentil de sa part, mais je dois avouer que vous n’en avez pas eu depuis longtemps, et que malheureusement ça ne va pas changer tout de suite. Voyez vous *mode ange raisonnable on* je tiens dans la mesure du possible à vous communiquer des recettes que j’ai d’abord testées moi même, et si possible photos à l’appui. Tout cela prend du temps, que je n’ai plus beaucoup… En attendant quelque chose de consistant à manger, je vous offre ici un peu de nourriture spirituelle (ou pas) en vous présentant un nouveau livre, une nouvelle petite perle rare de littérature qui je pense vaut le détour…

Le livre :
Je ne sais pas vous, mais pour moi qui consomme beaucoup de livres par an, j’ai une façon de les choisir finalement très disparate : la couverture plaît, ou c’est le nouveau tome d’une série que j’aime, ou la quatrième de couverture est alléchante, ou Bidule/Truc/le site Machin/le journal Chose en a dit du bien… Ici, j’ai pris ce livre limite sans le regarder, hypnotisée par le nom de l’auteur. Un nom que j’ai déjà eu l’occasion de vous introduire dans cet article : Fredric Brown, ici dans un des seuls romans qu’il ait écrit au milieu de ses nouvelles. Écrit en 1949, publié sous le titre américain What Mad Universe, et en France L’Univers en folie, d’abord chez Denoël en 1970 puis chez Folio, ce roman est considéré par de nombreux spécialistes comme l’un des chefs d’œuvres de la science fiction.

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Mon avis :
Nous sommes le 10 juin 1954 et on s’apprête à tenter le lancement d’une fusée sur la Lune. Lancement qui s’achève sur un échec monumental et la mort de douze personnes dans la villa de luxe d’un magnat de la presse qui, manque de chance, recevait ce jour là. Le corps d’une des victimes, Keith Winston, rédacteur en chef d’une revue de science fiction, ne sera pas retrouvé, à priori désintégré… Et pourtant, il est là, bien vivant, dans un univers parallèle où derrière des similitudes au sien se cachent des anomalies étonnantes : les extraterrestres viennent en touristes, les femmes de l’espace sont vêtues comme les héroïnes des illustrations de son ancien journal (sous entendu, en bikini (et non il n’y a pas d’illustrations, bande de pervers)), les gangs font la loi dans le black out total des villes soumises à un étrange couvre feu baptisé calaminage et sa fiancée est promise à un autre… Suite à une imprudence, le voilà soupçonné d’être un espion des Acturiens, l’ennemi à abattre car sur le point de mettre la Terre à feu et à sang…
Oui bon, d’accord, de nos jours où les romans de SF sont nombreux et variés, on cherche l’originalité dans ce scénario (encore que….) mais replacez vous dans le contexte de l’époque : c’est génial ! Et en plus de ça, c’est (très) bien écrit et ça ne se prend pas au sérieux. Les extraterrestres sont caricaturaux à l’envie (des tentacules bien sûr!) et on a appris à voyager dans l’espace en manipulant des machines à coudre. On retrouve là la quintessence même du grand Brown, son humour à la croisée des chemins entre le cynisme, l’absurde et le pittoresque, ses fines allusions scientifiques ou pseudo scientifiques distillées si délicatement et brillamment qu’on a envie d’y croire, de croire dans la cohérence des démonstrations, d’adhérer aux explications sur les mondes parallèles et les voyages dans l’espace. Suivre Keith Winston dans son parcours quasi initiatique à la recherche de sa vie perdue et de sa survie en milieu hostile bien que familier vous fait trembler pour lui, rager avec lui, partager sa peine, son étonnement, son ressentiment à l’égard de ce nouveau monde et de ses dangers… Perdu dans le parallèle et l’imagination presque sadique de l’auteur, on se demande jusqu’à la dernière minute s’il va s’en sortir et comment, pour finalement lever les yeux au ciel en souriant face à l’ultime pirouette… Une pirouette logique pourtant en y repensant !

Pour ce pas si long que ça roman qui contient pourtant tous les ingrédients magiques qui font passer de bons moments, je mets solennellement la note de 19/20. Et encore, en cotant vache.

Un extrait :
« L’employé venait de repasser derrière son comptoir et ne braquait plus de revolver dans sa direction.
« Combien vous dois-je pour la vitre ? Demanda-t-il. Et combien pour une chambre si vous en avez une ?
– Bien sûr nous avons une chambre. Ça fera cent crédits en tout. Mais il faut d’abord que vous me donniez un coup de main. Nous allons pousser ces casiers de magazines et de livres contre la porte. C’est assez haut pour masquer l’endroit où le verre est cassé. Et ça empêchera le rideau de flotter, si bien qu’on ne pourra rien voir du dehors.
– Bonne idée », acquiesça Keith.
Il prit le rayonnage par un bout, l’employé de l’hôtel s’empara de l’autre et tous deux le firent glisser jusqu’à la porte.
Le regard de Keith fut attiré par les titres de certains livres disposés sur les rayons. L’un d’eux en particulier, une édition de poche, était intitulé Pour ou contre le calaminage ? Il regarda le prix : deux crédits et demi. Cela confirmait le taux de un crédit pour dix cents. »